Biomimétisme, comment l'informatique s'inspire de la nature. Les réseaux de neurones.
Cinquième édition de ma newsletter qui décrypte la tech derrière la Tech et début de la série d’articles consacré au biomimétisme dans l'informatique.
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La news de la semaine
Des chercheurs de l’Université d’Harvard ont mis au point des poissons-robots capables de se déplacer en banc avec comme seul moyen de se situer les uns par rapport aux autres l’utilisation de caméras et de lumières bleues (pas de Wifi, pas de radio, pas de GPS). Ils sont capables de s’écarter pour éviter un obstacle puis de se remettre en formation une fois l’opération effectuée.
Depuis le début de l’informatique, les chercheurs n’ont eu de cesse de s’inspirer de la nature pour créer les matériels, logiciels et algorithmes que nous utilisons tous les jours.
Je vous en parlais la semaine dernière, dans l’édition consacrée au fonctionnement des systèmes de pilotage automatique d’avions de ligne, qui utilise un mécanisme inspiré par le système de régulation de glycémie du corps humain pour maintenir le cap de l’avion.
Le biomimétisme
Le biomimétisme est le fait d’observer les mécanismes et stratégies de la nature pour résoudre des problèmes. Le terme, en tant que tel, apparaît dans les années 80. On peut cependant considérer que depuis le début de l’humanité, l’être humain n’a eu de cesse de copier la nature pour créer des innovations technologiques.
“The genius of man may make various inventions, encompassing with various instruments one and the same end; but it will never discover a more beautiful, more economical, or a more direct one than nature’s, since in her inventions nothing is wanting and nothing is superfluous.” – Da Vinci
En architecture, l’étude des monticules confectionnés par les termites a permis de créer des structures de refroidissement passives. Dans l’aérien, un vernis similaire à la peau de requin a permis l’amélioration de l’aérodynamisme des fuselages des avions. Enfin, les scratchs de nos chaussures sont directement inspirés des systèmes permettant aux plantes de disséminer leurs graines en s’accrochant aux poils des animaux.
L’informatique n’a eu de cesse d’utiliser termes et concepts issus de la nature et ce depuis le début. J’évoquais dans une édition précédente consacrée aux bugs (littéralement “insectes”) informatiques l’apparition de ce terme dès 1947. Les exemples ne manquent pas, nous pouvons parler de la souris 🐭, des virus 🦠, de l’intelligence artificielle 🧠 ou du Cloud ☁️.
Décortiquons cette semaine un premier concept informatique inspiré de la nature, celui des réseaux de neurones.
Fonctionnement et usages des réseaux de neurones
Les réseaux de neurones s’inspirent du fonctionnement du cerveau (en tout cas du peu que l’on en connaisse) et plus particulièrement des neurones : dendrites (entrées), axones (sorties) et synapses (connexions).
Le concept de neurone formel (la transposition mathématique du concept biologique de neurone) a été inventé dans les années 1950 et a donné lieu à de nombreuses recherches dans les décennies qui suivirent. Ce n’est pourtant qu’à partir de 2010 que les ordinateurs sont devenus assez puissants pour que les usages de réseaux de neurones en intelligence artificielle se développent.
Dans le Deep Learning (apprentissage profond) on entraîne un réseau de neurones avec des millions d’exemples (ceci est un chat, ceci est un chien, etc.) afin d’apprendre à un système à reconnaître des images. Cette phase d’apprentissage permet d’assigner les bons coefficients de poids à chaque neurone du réseau afin d’en faire une machine à reconnaître des images.
Désormais, cette technologie est dans un grand nombre d’usages bien plus performante que l’IA classique (basé sur des règles) ou que l’humain, que ce soit pour la reconnaissance vocale, les jeux (cf. le passionnant documentaire sur AlphaGo de Google DeepMind) ou la robotique. Les machines deviennent plus performantes que les médecins pour reconnaître des tumeurs sur des scanners ce qui fait gagner du temps aux spécialistes qui peuvent se concentrer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée.
Les challenges des réseaux de neurones
La puissance et l’utilité des réseaux de neurones dans les systèmes d’apprentissage ne sont plus à démontrer. Cependant, à mesure que les cas d’usage deviennent nombreux et stratégiques, deux challenges conséquents se posent aux acteurs travaillant sur ces technologies :
La difficulté d’expliquer le raisonnement de ces systèmes (appelé effet boîte noire) et de démontrer comment un réseau de neurones a pris telle ou telle décision pour résoudre un problème donné. Cette difficulté pose des problèmes éthiques et légaux. On peut par exemple penser aux mécanismes de décision embarqués dans une voiture autonome qui devra choisir de privilégier la sécurité du conducteur, du piéton qui traverse ou de la voiture qui arrive en face.
L’autre challenge est de diminuer la puissance de calcul (et donc l’empreinte carbone) nécessaire à l’entraînement des réseaux de neurones. Un groupe de chercheurs de l’University of Massachusetts Amherst a estimé qu’un des systèmes les plus perfectionnés de traitement automatique du langage a nécessité l’émission de 284 tonnes de CO2. Yoshua Bengio, un des chercheurs en IA les plus réputés au monde, a participé à l’élaboration du projet CodeCarbon permettant de sensibiliser et d’aider les data scientists à réduire l’empreinte carbone de leurs modèles.
Quel rapport avec les bancs de poissons ?
N’hésitez pas à partager cette édition à vos proches et à vos collègues !
Sources
Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère, 2018, Biomimétisme en architecture. État, méthodes et outils, https://journals.openedition.org/craup/309#tocto1n1
New acropolys international organisation, 2015, Biomimicry: Human Creation Inspired By Nature, https://library.acropolis.org/biomimicry-human-creation-inspired-by-nature/
Youmatter, 2020, Biomimicry Definition: What Is It, Examples And Areas Of Application, https://youmatter.world/en/definition/definitions-what-is-biomimicry-definition-examples/
Air Journal, 2013, La peau de requin testée sur deux avions de Lufthansa, https://www.air-journal.fr/2013-02-17-la-peau-de-requin-testee-sur-deux-avions-de-lufthansa-567249.html
ICTjournal, 2020, Des IA de détection automatique de tumeurs s’affrontent en compétition, https://www.ictjournal.ch/news/2020-11-17/des-ia-de-detection-automatique-de-tumeurs-saffrontent-en-competition
Comet.ml, 2021, Introducing CodeCarbon, an open source tool to help track the CO2 emissions of your research, https://www.comet.ml/site/introducing-codecarbon-an-open-source-tool-to-help-track-the-co2-emissions-of-your-research/